Poésies en voyage

Né en 1948 à Paris, Bernard Frigara est un artiste peintre et sculpteur français.

Son atelier se situe à Rochegude (Drôme), village limitrophe des départements du Vaucluse et de l'Ardèche.


Quelques poésies écrites en voyage:


20 Juillet,
Au départ, dans l'avion...



D’où viendront les poèmes à venir
Le temps usure, fruits créateurs
Le temps usage,
Use l’age…
Un avion coule lentement
Vers des inconnus ailleurs…
L’avenir me Soule
En tremblements délicieux…
Des cieux je reconnais ma peur
De la terre je sais tant de délices
Et tant de déchirements…
Un jour revoir,
Dans le cœur d’une seule seconde
L’immensité du voyage Vie
Le poids du bagage Amour,
Dans le cœur d’une seconde
Plus chère encore
Lors qu’elle peut se fondre dans l’infini,
En l’infini silence.
Voilà, le soleil brille sur le tapis blanc
Et sur mes tempes perle une fine pluie,
Nous allons comme des jours de peines
Traversent inexorablement le temps…
Nos courbes ralenties étreignent de si denses soleils, un si dense soleil
Une lumière crue,
Une approche vers le céleste,
Une si infime approche…(comme des ciselures)
Mais les tristesses, se séparer,
Mais les tristesses,
Ne savoir deviner le temps
Les tristesses savoir,
Comprendre…même un peu
Ce que peut l’humanité…
Ma planète ; une rue, un numéro,
Ma planète ; vous, anneaux arpenteurs
De mes pas si imparfaits…
Ma planète, des amours entrants
Dans l’inadvertance de mes peines
Sur les estrans imbibés de larmes,
Plages morphines,
Des amours dilués
En rire et complaintes,
En murmures égrainés
Comme s’égraine la voix des mères
En contes inlassablement bercés,
Et s’imprègnent leurs sourires
Dans nos cœurs déjà vieux…
Use l’age…


Le vol semble être retardé…


Envie de dormir mon corps,
Envie d’échapper au temps,
Fondre mon temps dans le temps du transport,
Vers où devenir…
D’où repartir vers étranges hiers
Contrées minuscules
Des âmes géantes et gazeuses,
Contrées majuscules
Où se trouvent et se perdent
Tout autant que les nôtres
Des âmes et des corps comblés
Ou blessés, ou noyés ; où
S’égrainent en terribles silences…


Dans le ciel, la dame à ma droite vient de se signer, et moi : …___nuages, nous tremblons, ça va…
Revoir cet autre soleil, cette autre lumière, se revoir ; avion plaisir…


L’encre s’écoule, fontaine bleue…
Une vie bien petite, dans ce flot minuscule
Dessine une belle vivance,
La mienne…
Et je pense à toi,
À ton âme joliment voilée
Et je pense à nous
Aux graphismes de nos mains
Sur la peau de ces nuits
À se dire adieu…
À tracer des projets indicibles
À mélanger le flux de nos âmes,
Et je pense à elle
À sa voix enrouées (en nouée ) par la peine,
Me savoir si loin, si loin emmené
Me savoir son père
Me savoir voyance et voyage
Et je vois la rupture
Entre ses pas pressés,
J’entends, ma pauvre déchirure
Sur l’écran mêlé de sa souciance…
Quelle belle chaleur me pénètre,
Je suis déjà ailleurs,
Elle marche dans la rue,
Sa voix est en pleurs
Mais ma gorge, la mienne,
Se déchire à son tour…
Combien de temps encore
Mon corps aura la veine ?
L’encre tarie semble dire
Au revoir, enfant, à très bien
Plus-tôt dans nos vies
Serties de gris et de bleus
Perlées de coquillages et de pas…
Sur les grèves
Bercées de fantaisies…


Shangaï, au retour de Nandgi,
Le 14 Août 2004.

Il fait étrange et bon
Ne rien dire, ne rien espérer
Que l’air transformé d’une Chine lourde
De tant d’humide chaleur,

Il fait étrange et bon, si bon
De laisser ces bouffées de langueur
Épaissir l’intérieur confus et nuage
Se tasser sur le sol repu
D’une Chine dans la brume…
Et son nom tant de fois récité
Dans le par-cœur de nos lycées
Et son nom aujourd’hui s’estompe !
Ne reste que le poids des sons
Les rythmes accrochés,
Syllabes à perte d’entente,
Les sutures chantantes,
Lugubres clapotis
D’eau amère et épaisses
Où se démènent
Loches, écrevisses et anguilles…
Les sourires, enjôleurs ou vexés
D’orgueilleuses princesses des champs
Et les sourires méfiants et crâneurs
Des jeunes teen-agers !?
L’est se redit et se redit encore
Entre peur, envie, et encore peur
Tant il s’y est baigné, Est !
Asie, dans les eaux supérieurs
et carmines de la cruauté,
et tant aujourd’hui elle s’érige
sur ses espères, comme une aliénée !
Elle crie dans ses silences
Elle chante dans ses timidités
Des airs mêlés et révoltés,
Elle chante, le « quand elle pourra »
Brandir les non-drapeaux ( blancs)
De ses impériales, périlleuses envies
Jusqu’à re-teinter de noir
Ses désirs fous de liberté !
Ses désirs de libertés folles
Teintées d’effluves étrangères
Jusqu’à prendre un mystérieux
Et dérisoire vol :
Oiseaux d’augures occidentes
Albatros immigrants
En leur propre contrée…